Il y a des coincidences qui parfois peuvent surprendre et vous interpeler : pourquoi le cours d'histoire de l'art auquel nous assistons tous les mois à Bordeaux était consacré, en cette semaine de mars dédiée à l'information sur la santé mentale, au peintre Edouard Munch ?
J'ai découvert la peinture de Munch en 2003 lors d'un voyage à Vienne, c'était la réouverture de l'Albertina qui présentait une rétrospective du peintre norvégien, dix ans plus tard le souvenir en est aussi vivace aussi précis, aussi dérangeant. je me revois quittant l'exposition comme saisi de vertige, incapable d'écouter les explications de notre guide, comme mis K.O. par ces regards qui n'en sont pas, par ces visages sans vie.
Un tableau m'a particulièrement touché, le plus célèbre, LE CRI voila ce que Munch nous dit : J'étais en train de marcher le long de la route avec deux amis - le soleil se couchait - soudain le ciel devint rouge sang – j'ai fait une pause, me sentant épuisé, et me suis appuyé contre la grille - il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et de la ville - mes amis ont continué à marcher, et je suis resté là tremblant d'anxiété - et j'ai entendu un cri infini déchirer la Nature.
Je ne peux regarder ce tableau sans ressentir ce sentiment de profonde anxiété mêlé de compassion car pour moi il est l'image de la souffrance du malade psychique. C'est quoi me direz vous un malade psychique, le simple d'esprit souvent moqué dans les vieux films ? l'idiot du village ? non celui la est né "comme ça ", c'est le malade mental.
L'autre il était comme vous et moi, souvent garçon,parfois fille, enfant heureux, enfant joueur, il faisait votre bonheur il pouvait tout espérer car il était brillant, brillant mais sensible, trop ? sans doute, mais on l'aimait tant ainsi qu'on pardonnait ses fantaisies. Il croquait la vie comme une sucrerie, en douce, sans en avoir l'air , toujours sans vous déplaire. Il débutera de belles études, il sera architecte, un autre musicien ou journaliste... c'est un artiste un fantaisiste... puis un jour horrible tout s'écroule, un tsunami, une explosion, il est là devant vous pareil à cet homme du tableau, il se tient ainsi la tête, il a mal, on le persécute, il entend des voix qui l'obsèdent, que faire, on consulte d'urgence, on est perdu à demi noyé devant cet état inconnu, cet adolescent étranger qui est votre enfant, on courbe le dos à l'annonce de l'hospitalisation. Il faut bien puisqu'elle est indiquée indispensable et puisqu'on n'est plus au X1Xe siècle elle ne sera pas définitive, irrémédiable, scandée d'électrochocs. Il en sortira avec un traitement, on se dit que bientôt tout ira mieux. tout cela est un mauvais rêve n'est-ce-pas Inconscient, on garde l'espoir.
Et lui ? lui il entre dans cette nouvelle famille, celle des malades qui ne veulent pas l'admettre, qui souvent refusent les traitements pourtant indispensables malgré des effets secondaires qu'ils supportent mal. Il fait parti dorénavant des" pas comme les autres" il est dans un autre monde sans pour autant avoir quitté le notre, vie double serpentant comme le rouge et le bleu du tableau, du réel à l'imaginaire.
Et pourtant son intelligence est intacte il arrive parfois à finir ses études à exercer un métier, regarder l'oeuvre splendide de Camille Claudel, il peut même avoir le prix Nobel ... on en fera un très beau film "Un homme d'exception". Mais il aura quitté la belle avenue de la vie pour des sentiers caillouteux où il trébuche, il avancera non plus le long de ce pont aux rambardes rectilignes, sécurisantes mais dans un monde hostile peuplé des fantômes de son imagination. Seule la souffrance sera sa compagne car il est seul, ses amis sont partis, la societé le rejette, il ne connait plus que celle des psy et s'il a de la chance (quel mot étrange ici) celle des aides sociales. Et il poursuit son chemin solitaire un peu comme l'aveugle des tableaux anciens tendant la main implorant qu'on l'aime.
Et vous les parents ? oh pour vous il y aura dorénavant l'avant et l'après, vous apprenez ce que veulent dire les mots révolte, désespoir, puis résignation, et acceptation, vous vous inscrirez à des associations où l'on voudra vous enseigner le mot distanciation mais vous aurez du mal à le retenir...Il faudra écoper, ressouder pour éviter la dislocation du noyau familial, puis les années passerons, si par chance Lui a fait le deuil de la vie qu'il espérait vous en ferez de même, si par contre il persiste à refuser alors comme lui vous souffrirez encore.
Ils sont près de deux pour cent de la population mondiale, la maladie se déclenche à l'adolescence, on sait maintenant que la consommation de cannabis est un facteur aggravant. Elle peut guérir dans un cas sur cinq, pour les autres ce sera la prise de médicaments à vie avec la possibilité d'une vie plus "normale" et une réinsertion qui restera précaire dans la vie sociale.
Une association des parents de malades l'UNAFAM aide les familles notamment par des groupes de paroles. Une semaine par an la SIMS semaine d'information sur la santé mentale organise des colloques suivis principalement par le milieux médical et para médical. Un COLLECTIF s'est créé pour que l'année 2014 soit celle de la santé mentale.
Vous qui passez ici par amitié curiosité ou hasard s'il vous plait signez la pétition, il suffit d'un clic, il servira à fabriquer ce petit grain de sable qui bloquera le mécanisme de l'indifférence car n'oubliez pas, pour eux le sourire de l'ironie est plus douloureux qu'un coup de poing et la main tendue sera la plus douce des caresses.... ils ont tant besoin d'un peu d'amour et d'amitié.