4 janvier 2012

Un militaire en sécurité.

En préambule une photo retrouvée de Climat de France dans l'état ou il était en mars 1962... et ces quelques lignes sur l"accident d'Alger"relaté dans le dernier billet.

Citation: Le vendredi 23 dès l'aube, des équipes de l'O.A.S. armées et porteuses de brassards édifient des barrages à l'entrée de Bab-el-Oued. Les soldats français qui tentent de patrouiller sont désarmés. Il n'y a pas de fraternisation avec les commandos, mais les éléments militaires du secteur paraissent vouloir jouer la neutralité. l'Armée Secrète peut penser que son plan de créer à Bab El oued une algérie française libre est en train de se réaliser .
Hélas ! A dix heures, le premier rouage d'un engrenage tragique se met en place. A cette heure-là, Place Desaix, un camion militaire arrive et dérape sur la chaussée rendue glissante par des jets d'huile. Les ordres donnés sont clairs: ne pas tirer sur les militaires français, mais les désarmer.
Malheureusement, ceux-là, des appelés du train, ne veulent pas donner leurs armes. Parmi eux, un soldat musulman prend peur. (Dans ce quartier où les attentats systématiques ont fait fuir tous les autochtones, la panique le saisit.)
Selon Montagnon, il tire sur les commandos Alpha, tuant un homme, selon Courrière il n'a fait qu'armer sa MAT, mais la réaction des hommes de l'O.A.S. est immédiate. Ils ouvrent le feu; sept deuxième classe sont tués, onze sont blessés. Le 23 mars est pour les partisans de l'Algérie Française une journée fatale: entre eux et l'Armée désormais il y a du sang-


En fait le soldat musulman n'a ni tiré ni armé son fusil mitrailleur, que de contre vérités j'ai pi lire sur ce qu'on appelait encore "le maintien de l'ordre"


C'est dans un tout autre quartier que nous débarquons Jacques D. et moi en cette fin avril ou début mai 1962, nous pouvons admirer la ville blanche depuis les jardins de la villa art-déco siège de la S.M. jouxtant le célèbre hôtel Saint Georges sur les hauteurs d'Alger. J'ai très peu de souvenirs des lieux et encore moins de ce que j'y faisais, nous avions troqué notre immense chambrée pour des chambres de 6 aménagées dans des baraquements métalliques datant  sans doute de la présence de l'armée américaine. Ils avaient un côté très pratique, nous permettre de grimper sur le toit pour profiter du chaud printemps algérien, chaud à tous points de vue puisque de là nous pouvions voir les explosions qui secouaient la ville  et particulièrement l' l'immeuble de la radio situé tout près, l'OAS était  très active à cette période plasticages, voitures piégées, tirs de bazoukas rythmaient nos nuits et nos journées rendant les sorties bien rares toute permission étant refusée. En fait la ville était divisée en deux zones, l'une européenne, interdite aux musulmans qui s'y font assassiner s'ils s'y aventurent, malgré le  quadrillage des forces de l'ordre, l'autre musulmane où  tout européen s'y fait également assassiner... c'est alors l'accentuation de la fuite de la population française. Bien tranquille dans notre villa entourée de barbelés prenons nous conscience de la réalité et de la gravité de la situation ? je crois que non malgré les pains de plastic découverts sous l'escalier de la villa ou nos rares sorties destinées surtout à déménager les familles d'officiers habitant Bab-el-oued. 
Alors c'est quoi la sécurité militaire, pour nous appelés ce n'était que du travail de bureau, on évoquait cependant à demi-mots l'action passée des "barbouzes" mais c'était les autres, ceux de l'autre villa dans un autre quartier... et puis nous avions prêté serment.... de quoi d'ailleurs ?


Pour ma part je devais compléter les fiches signalant les désertions nombreuses à cette époque c'est ainsi que je trouvais la trace d'un ancien apprenti cuisinier trois fois déserteur trois fois repris et revu bien des années plus tard à Bergerac. 
Puis vint l'indépendance, mais hélas pas le retour en France, la S.M. devait quitter Alger et gagner le camp du Lido à Fort de l'Eau petite bourgade en bord de mer à l'autre extrémité de la baie. Quel souvenir que ce déménagement et par quel hasard, durant trois jours, j'ai été amené à transporter une partie des dossiers secrets et notamment ceux de certains généraux dit félons de nos anciens locaux vers les nouveaux,   cela dans une 203 Peugeot sous immatriculation de l'armée avec un chauffeur aussi inquiet que moi et sans armes bien sur.
Un autre souvenir cuisant de ces journées, le camp qui nous accueillait était géré par la cavalerie, le lieutenant chef de bureau sachant que je montais à cheval m'avertit qu'on pouvait emprunter des chevaux revenus des Aurès aussi maigres qu'une vache sacrée nous voila partis pour les écuries, il y avait bien les bourrins mais pas de selle il fallait donc monter à cru. Au cinéma ça ne prête pas à conséquence pour nous  ces deux heures de galop se soldèrent par une impossibilité de s'assoir pendant trois jours.
 Le petit coin de camp qui nous était attribué sentait le paradis, la mer au bout du chemin, des fleurs, des bassins, j' y découvre la beauté des hibiscus. Nous sommes au plus une trentaine d'appelés des trois armes mais la présence de l'aviation et de la marine est symbolique,  encadrés par un commandant et deux ou trois capitaines et autant de lieutenants, il y a deux sections, les secrétaires, la caste supérieure ! et les chauffeurs qui sont en minorité une dizaine et comme on ne se mélange pas nous occupons des bâtiments distincts.  J'oubliais les trois PEFAT, personnel féminin de l'armée de terre, elle ne couchaient pas au camp, il en était de même parfois du chauffeur qui devait les ramener à Fort de l'Eau ....  


Mon travail avait changé, je devais étudier la presse, découper les articles sur l'armée en faire un bref résumé et les classer, je disposais tous les matins d'une voiture avec chauffeur identique à celle du commandant du camp  pour aller à Fort de l'Eau acheter les journaux, nous arrivions lentement devant le poste de garde et j'avais droit à la sortie précipitée du peloton qui.... me présentait les armes... on s'amuse d'un rien à l'armée!
Notre commandant était bon enfant et très vite la disciple se relâcha, la saison, la mer, il y avait du sable dans les esprits et hors des heures de bureau nous avions adopté la tenue estivale même pour les travaux ménagers . 

Le camp n'avait pas d'accés direct à la plage mais très rapidement les permissions du dimanche nous permirent de profiter des joies de la baignade. Alors qu'Alger résonnait encore du fracas des explosions, alors qu'une file ininterrompue de voitures gagnait l'aéroport de Maison Blanche où elles étaient abandonnées, alors que deux communautés qui auraient pu vivre en harmonie s'entretuaient vivions nous désinvoltes et insouciants ? je le crains .
a suivre...

2 janvier 2012

On a sauvé le soldat Robert


A quoi pensait ce garçon convoqué à Bordeaux ce 2 janvier 1962 pour son incorporation ? je suis aujourd'hui incapable de donner une réponse tant les évènements des mois suivants furent  exceptionnels.
L'angoisse sans doute, très vite suivie d'une certaine indifférence, se laisser porter, accepter les évènements puisqu'on ne peut les maitriser, être acteur, jouer un personnage, mais aussi en être le spectateur. De cette journée  débutant sans doute par une coupe au carré il ne me reste  qu'un  souvenir, un garçon m' adressant la parole : Jacques D. nous nous  découvrons deux points communs : sursitaires et fils de restaurateur, j'ai trouvé un ami et par un heureux hasard nous  passerons pratiquement ensemble toute la durée du service militaire car il s'agit bien sur de cela et c'est ma "guerre" que je vais raconter.  En fin de journée nous nous entassons dans un train spécial pour Port-Vendre puis, après une journée d'attente,  l'embarquement à bord d'un hypothétique navire ville d'Oran? El Mansour ? Sidi-bel-Abbes ? qu'importe, le voyage fut pénible je l'ai donc vite oublié. A l'aube, Alger nous éblouit sous un beau soleil méditerranéen mais bien vite il faut grimper dans les camions en direction du camp de Béni-Messous et son centre de formation du train 160. Ce sera mon chez moi pour quatre mois avec la découverte  de la colocation au carré, du paquetage, du sac de couchage, des lessives et du parfum des chaussettes des voisins... les joies de la 6eme compagnie, la privilégiée parait-il puisqu'elle est composée d'élèves officiers de réserve. Combien étions nous dans ce bâtiment trente, quarante ? à part Jacques D. qui occupait le lit supérieur je n'ai gardé aucun souvenir de mes compagnons du devoir !  


Durant ces quelques semaines j'ai appris à marcher au pas,  à démonter un fusil  sans doute aussi à le remonter et même à voir de près un moteur à explosion qui reste toujours à mes yeux au bout de tant d'années un puzzle inextricable. J'ai même obtenu un permis poids lourd en faisant trois fois le tour du camp  uniquement en première n'ayant jamais trouvé le cran de la seconde. De façon plus utile je rédigeais   le 1er numéro du mensuel du CIT et participant au groupe de théâtre je répétais Knock de Jules Romain ce qui me chatouillait plus agréablement que les corvées auxquelles j'échappais grâce à ces activités annexes.  Une formation interrompue   au bout de deux mois sur un demi-tour à gauche exécuté le jour des  épreuves intermédiaires mouvement du corps humain absolument interdit dans un corps d'armée.




Seul souvenir pénible la fameuse piqure "antitout" indolore et inoffensive mais qui quelques heures plus tard m'envoyât sur une civière à l'infirmerie, il ne me reste que le souvenir des mots prononcés par le brancardier..." ben il a une sale gueule je sais pas s'il reviendra"... puis le trou noir durant plus de 24 heures....je n'ai jamais pu savoir ce qui m'avait mis dans cet état, peut-être la plaque de chocolat journalière que je dégustais sans modération, elles étaient  envoyées par mes parents qui se gelaient en Suisse pendant que je profitais du soleil africain. 



Adieu donc les barrettes et me voila engagé involontaire à la FRAD "formation rationnelle et accélérée de dactylo" termes assez impropres car au bout de deux mois je ne tapais toujours qu'avec deux doigts... Il faut dire que les évènements de l'indépendance perturbaient sérieusement les cours, nous passions plus de temps en gardes de nuit en protection du camp qu'en cours de sténo ! ce fut le seul moment de ma vie où j'eu l'impression par manque de sommeil de voir marcher des arbres. la seule aussi où j'ai participé     au "maintient de l'ordre" dans le fameux quartier de Climat de France, trois nuits à patrouiller le fusil à l'épaule trois balles dans la poche sous les galeries de l'immense place centrale, nous ressemblions à ces figurines de stand de tir forain qui défilent devant les tireurs goguenards, nous étions à la merci de n'importe quel habitant des immeubles. Si tout se passa bien pour nous il n'en fut pas de même pour mes anciens compagnons EOR, sortis en camions bâchés dans Alger ils furent mitraillés par l'OAS : sur les vingt et un militaires sept furent tués et sept blessés, Jacques D qui faisait parti du convoi revint indemne et tremblait encore en me racontant le lendemain ce désastre. En toute  logique militaire les trois tués furent décorés avec palme, les blessés sans palmes et ceux qui n'avait rien n'eurent rien !!!!
Les derniers jours de classes restent assez chaotiques dans ma mémoire, une satisfaction cependant, nous étions partis pour 28 mois  mais la signature des accords d'Evian ramenait le service à 18 mois, il y avait de la joie dans les chaumières. Arrive enfin le jour des affectations, j'appends la mienne avec effroi : chauffeur poids lourd au Sahara... c'est l'enlisement total, heureusement le contre-ordre suit souvent l'ordre, le jour même je rejoins en compagnie de Jacques D. le quartier général d'Alger étant officiellement secrètement attaché à la sécurité militaire.... les vacances vont pouvoir continuer !!!