4 juin 2014

Tomoaki Suzuki au CAPC ex entrepots Lainé

En voyant mon billet sur la dernière exposition du CAPC mon compatriote Cyrano n'aurait pas manqué de dire "Ah non c'est un peu court jeune homme"...
Pour le jeune homme, impossible d'y remédier, par contre, sans varier le ton il était possible d'en dire bien des choses.
Sur le lieu tout d'abord,  avec ses murs bruns,  il ressemble à un monstre échoué sur le bord du fleuve, corps momifié de ce qui fit la richesse de la ville le commerce colonial.
 



Dans cette nef à l'architecture minoenne  s'entassaient les bois précieux, les pièces d'indiennes de coton, les sacs d'épices de sucre et de cacao on y roulait les vins en partance ou en retour des iles, on y sentait le poivre et la vanille. Nul chant dans cette nef sauf peut-être celui si triste et poignant des derniers esclaves victimes  du commerce triangulaire.  


Aujourd'hui ce ventre de la ville,   vidé de ces viscères, lavé, décapé, désinfecté des miasmes du passé colonial est devenu un lieu de l'esprit où entrent se posent puis s'en vont  les idées, les rêves, parfois les cauchemars d'artistes contemporains.  


Quinze petits humains, pas plus hauts que trois pommes posés sur ce sol noir et brillant comme sur le magma pétrifié des vies antérieures des lieux, quinze bois sculptés semblant des brindilles oubliées des milliers de grumes du passé, quinze solitudes voulues par l'artiste chacun ignorant l'autre. Quinze représentations d'hommes et de femmes bien vivants   présents dans  un passé figé à jamais
Silence, un par un, pas plus de quinze à la fois, les visiteurs entrent,   ils s'approchent, géants patauds, se penchent, intrigués et curieux, alors ils voient la finesse du travail de l'artiste, le rendu parfait des matières et puis, et puis ils prennent des photos et s'éloignent. 

J'ai assisté à ce ballet avec un sentiment assez déplaisant pensant à ces phénomènes de foire nains, siamois, femmes à barbe qui attisaient la curiosité morbide de nos grand-parents, je songeais alors à cette autre figurine loin là-bas, vieille courtisane trop fardée couverte de pierreries, d'autres géants  la frôlent, monstres aux milliers d'yeux qui scintillent et crépitent sans relâche  elle s'appelle Venise elle en perd son âme.
















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