Grand-père Lala avait une habitude considérée maintenant comme un défaut ; c'était un grand fumeur, mais attention pas du tabac blond, pas des gauloises, il fumait les cigarettes qu'il roulait dans le papier rizla . Je le revois, assis l'été dans un fauteuil vert à haut dossier ajouré, sous le hangar de la rue Saint Marc, ses mains, déformées par le travail et les rhumatismes, retrouvaient l'agilité nécessaire et l'opération se terminait par un petit coup de langue derrière les moustaches pour sceller le petit cylindre blanc en fin de compte peu rempli de tabac.
Durant la guerre l'approvisionnement était difficile, aussi avait-il planté quelques pieds dans la petite cours et il faisait sécher les feuilles dans le chais contigu à la cuisine. La pièce était fraiche et sombre le sol en terre battue, dans le coin à gauche de l'entrée ,un petit "barricou" servait à préparer la piquette, spécialité de grand-mère, boisson fermentée à base de feuilles de frêne et de houblon que l'on soutirait avec précaution dans de grandes bouteilles de limonade à bouchon de porcelaine... hum la piquette ça pétillait, ça moussait, ça désaltérait. On la buvait surtout l'été, au déjeuner pris sous le hangar à l'ombre du grand rideaux de toile dont l'orange, depuis longtemps délavé, s'harmonisait maintenant avec le crépis du mur et le bois brut de l'auvent. Dans le chais, il y avait aussi, dans le coin le plus frais, sous une étagère et caché sous un rideaux de toile cirée, les bouteilles du Trésor. Le trésor c'était le lieu dit d'une vigne située près d'Issigeac, héritage de grand-mère, elle avait été vendue mais les dernières récoltes dormaient dans ce coin sombre et tout un cérémonial entourait l'arrivée sur la table de fête de la dernière bouteille du Trésor, bouteille poussiéreuse et sans étiquette mais renfermant un délicieux nectar. C'était des adieux à la façon des artistes qui se renouvelaient au fil des ans et puis un jour, mon grand-père revint du chais en disant après celle-là c'est fini.... on avait bu tout le trésor. Dans ce petit chais, il y avait aussi une grande armoire de boiserie en cerisier venant aussi d'Issigeac, et sur une des étagère ce pot si curieux affublé d'une vieille assiette en guise de couvercle ou grand-père conservait son tabac.
Toujours aussi passionnante, votre grande famille. Mettre de l'ordre, pourquoi pas, fil conducteur des ans qui passent laissant comme seule trace ces photos, écrits, objets. Que j'aurais aimé que ma famille en fasse autant, c'est une vraie richesse que l'histoire de ses aïeux!
RépondreSupprimerLes photos sont très belles, les avez vous faites retirer?