28 février 2012

Les brulures de l'hiver.

O triste, triste était mon âme
A cause, a cause...






26 février 2012

le moulin de mon coeur



C'est vrai, sous cet angle la maison et le jardin ont la forme d'un coeur, ce n'est pas étonnant car j'ai eu pour ce lieu un véritable coup de foudre à ma première visite.
C'était en 1976, les enfants avaient besoin d'un coin de terre pour courir et prendre l'air, nous vivions alors à quelques pas de l'hôtel avec pour tout espace de jeu une cour de dix mètres sur dix.
Les agences immobilières furent mobilisées avec trois critères à respecter, un prix bas, un point de vue inversement proportionnel, la nécessité en raison de mon travail de gagner le lieu en moins de quinze minutes.  
Durant des mois j'ai vu de tout, des ruines au plus profond de la foret périgourdine à la ferme jouxtant les élevages de porcs en passant par la villa pseudo basque au bord de la nationale. Nous allions abandonner quand un agent prit rendez-vous en me disant "si cette fois-ci ça ne vous plait pas je renoncerai à vous montrer quoi que ce soit". Nous partons et comme d'habitude je jette un coup d'oeil à la montre. Un quart d'heure plus tard nous roulons toujours, c'est bon lui dis-je on fait demi-tour, écoutez me dit-il en arrivant à un croisement, je tourne ici et nous montons en haut du coteau il n'y en a pas pour cinq minutes. Nous sommes au milieu des vignes, passons devant une église romane entourée de quelques maisons de pierres puis c'est la montée, un virage, un deuxième, j'aperçois alors un moulin à vent en ruine prolongé par une bâtisse sans étage pratiquement sans fenêtre et un hangar recouvert de tôle ondulée, je sais déjà que j'ai perdu mon temps, que faire de ces ruines. Il y a cependant quelques beaux arbres, un dernier coup de volant, frein à main, c'est vrai le point est culminant, belle vue sur les vignes et la foret, nous montons sur le terre plein du moulin et là... je reste bouche bée, nous flottons au dessus de la vallée, à 360° ce n'est que vignes, forets, kaléidoscope des champs cultivés, l'église d'un village, une autre, au loin la route qui anime le tout. Je n'ai pas vu l'intérieur de la maison mais qu'importe, avec le temps tout peut se transformer par contre une vue pareille impossible de la créer, je sais que ce sera là.
Le lendemain j'amène ma Dame, le soleil de la veille a laissé  place au vent et au ciel gris, j'ai droit à un grand soupir suivi d'un regard incrédule, mais que veux tu qu'on fasse de ça, je suis fou parait-il.
Oui j'étais fou de ce lieu, la maison ce ne doit être qu'un refuge on n'a pas besoin de chambres, il suffit de quelques travaux pour transformer ces cinq petites pièces en un agréable séjour, ici on fait une cuisine, un w.c. et c'est parfait puis on verra.
Presque tous les jours je reviens sur les lieux, j'arrive même à ne pas dépasser les quinze minutes, je prends des photo et des mesures sous l'oeil goguenard du propriétaire qui a vite compris qu'il ne sera pas nécessaire de baisser le prix. J'amène mon père, ce sera mon allié, il aime tant la pierre et la campagne... alors ? et la phrase tombe comme un couperet "c'est pas une maison c'est un sac à millions" ma Dame est ravie. Mais j'ai mis les vers dans le fruit, les enfants aiment ce coin, on peut courir, se cacher, grimper aux arbres, dis papa tu l'achètes le moulin ? oui après quatre mois de négociations diverses nous avons signé en février 1977.



On va oublier la grange et aménager la maison, elle sera rustique, souvenir des cottages anglais et des maisons provençales, car si je ne pouvais aller vivre en Provence la Provence viendrait à moi. Il y aura des poutres apparentes, un séjour sur deux nivaux avec portes fenêtres donnant sur une terrasse, il faut créer quelques endroits plans sur ce terrain   en pente.  Puis ce sera le bulldozer et la pelle mécanique, l'apport de bonne terre végétale, le ramassage des pierres qui feront des restanques, je planterai, tu planteras, nous planterons, ainsi naitra un jardin s'étoffant, grandissant au fil des ans. Un pépiniériste du coin ayant fait faillite j'acquis plusieurs centaines d' arbres et arbustes en container, il me fallut plus d'un an pour tout planter, ma Dame avait raison, j'étais fou.










Ma fille avait coutume d'expliquer à ses amies qu'elle avait une maison où on ne pouvait aller que la journée car il n'y avait pas de chambres à coucher, en 1982 nous avons pallié à cet anachronisme en faisant reconstruire la partie grange qui n'avait vraiment pas belle allure, quatre chambres un garage et ... une cave à vin, puis les murs du moulin menaçant de s'effondrer  il a été consolidé et transformé en atelier, il sert en fait de serre aux citronniers, l'aire de jeux des enfants devenus grands a été creusée pour réaliser une piscine. Pour le grand plaisir des oiseaux on implante un verger dans la pente du sud. Les enfants ont grandis, eux sont partis vers le sud, chaque visite est prétexte à rapporter un jour un olivier, un autre quelques cistes, et le jardin s'agrandit.


Ce jardin je l'ai fait à vue d'oeil, pas de plan sur papier, quelques photos griffonnées puis il s'est mis en place instinctivement. Combien d'heures m'a-t-il occupé je ne saurai le dire, pour moi c'était tout plaisir, enfin je créais. Si l'effet escompté n'étais pas au rendez-vous je déplantais et changeais de place, ma Dame me disait de mettre les plantes sur roulettes! Maintenant il peut vivre sa vie, il faut élaguer, tailler arracher parfois, il commence à vieillir, et cet hiver il a considérablement souffert, je crains qu'il ne retrouve plus la plénitude qu'il avait atteint. Les jardins ont d'étranges similitudes avec les humains, ils naissent, grandissent, ont l'exubérance de la  jeunesse, la plénitude de l'âge adulte, puis connaissent la dégénérescence et parfois la mort. Quoi de plus triste qu'un jardin abandonné.
Cette maison, lieu de détente et de vacances est devenue notre résidence à ma retraite, si c'était à refaire la maison serait bien différente, moderne, ouverte sur la campagne,  telle qu'elle est, il y flotte les souvenirs des noels, des anniversaires, des parents disparus qui nous regardaient avec amusement construire notre nid, des premiers pas des petits enfants, c'est beaucoup de ma vie, c'est le moulin... de mon coeur.