27 octobre 2009

Un peu d'architecture

Vivre dans un hôtel n'est pas simple, d'abord on n'est pas chez soi, on est à l'hôtel. Il n'y avait pas d'appartement indépendant, deux chambres situées sur le jardin au rez de chaussé étaient utilisées par mes parents et mes grands-parents le 46 pour les 1ers le 42 pour les seconds elles étaient séparées comme on peut s'en douter par le 43 petite chambre utilisée comme bureau par mon oncle Guy, le grand couloir allant de la réception au jardin, puis le 44 et le 45 louées à la clientèle, la dernière pièce à la suite de la chambre de mes parents et de leur salle de bain étant une réserve. Ces pièces,  sans vis à vis, étaient desservies par un grand couloir étroit et sombre Pas de cuisine, on allait faire chauffer les biberons  sur  le "piano" de l'hôtel. Quant à la salle à manger, c'était une petite pièce séparée du couloir par une double porte vitrée ou entraient tout juste un petit buffet,  une table ronde et quatre chaises. Un  panneau  vitré  fixe donnant sur l'arrière cuisine amenait un peu plus de clarté tout en permettant d'avoir un oeil sur ce qui s'y passait ! 
De façon curieuse, la chambre de mes grands-parents donnait sur un petit passage découvert allant à la buanderie, bâtiment indépendant de l'immeuble principal, alors que la salle de bain, comme les autres chambres, ouvraient sur le jardin d'agrément, vaste rectangle fermé sur deux côtés par un grand mur puis par le  garage à angle droit avec le bâtiment de l'hôtel.

La vie en rose

Moi, je voyez la vie en rose, d'abord, dès la première nuit, j'ai couché avec une fille, Nicole, elle était née le même jour et il ne restait qu'un berceau pour deux ! Sa mère le clamait haut et fort chaque fois qu'elle arrivait à l'hôtel, les soirs de réception, en compagnie de ces dames du rotary. J'appréciais modérément....Je la soupçonne d'avoir souhaité que la chose se reproduise en vue d'un mariage, mais je n'ai  jamais été dans cet état d'esprit !
Ma mère, trop fatiguée, me mis au biberon, puis, un matin, je vis arriver dans la chambre un espèce de panier en osier, j'appris plus tard que ça s'appelait un moïse, il était garni de tissus rose, on m'y coucha bien enveloppé dans une couverture rose et  on partit pour l'hôtel. Suis-je entré en ces lieux par la porte d'entrée ou par celle du jardin, je ne sais plus. Ce jour là, j'ai fait connaissance avec cette prison dorée acceptée et consentie pour une durée de soixante ans .
On m'installa dans la chambre de mes parents, entre leur lit et le mur du jardin....dans un splendide lit en bois peint...en rose....j'étais dans de beaux draps roses....espérait-on une fille ?
Une précision, la tapisserie de la chambre était beige rosée et le lit recouvert d'un dessus de lit et d'un édredon rose vif.


Coucou

Mon arrivée fit diversion et apporta un peu de baume au coeur de toutes ces dames en noir qui vont entourer mon berceau : Grand-mère Emma, Grand-mère Lala et Tatie-Mamie ma tante Luc qui, jusqu'à son décés, sera pour moi plus une grand-mère qu'une grand-tante.
Mais voyons les choses en détail, ce jour du samedi 28 octobre : j'arrive pour le week-end et il est midi, juste  pour me mettre à table... je me souviens très bien de tout cela, on me l'a tellement raconté !!!
J'ai été un chenapan intra-utérin....après les choses se sont calmées... bref, pendant neuf mois ma mère en a vu de toutes les couleurs et même aujourd'hui je fais le mauvais caractère ! Je ne vous ai pas dit, cela se passe à la clinique du Docteur Galais, sur les quais, au bord de la Dordogne. Mais le docteur est à la guerre, comme mon père d'ailleurs, c'est donc le vieux docteur Mathieu qui va officier. Il est secondé par une infirmière à poigne qui fait marcher la clinique, Madame Ortiz, un nom à ne pas mettre un enfant dehors! et je ne sais pourquoi, Tatie-Mamie représente la famille. Bref devant mes hésitations on sort les forceps; apparait alors une chose toute bleue verte et noire
pas un mot pas un cri  j'en reste coi ! Pas Madame Ortiz qui attrapant la chose par les pieds, la mets la tête en bas, et lui administre une belle fessée. Ah là j'ai protesté à grands cris, c'est ça la vie ? un monde de douleurs ? Soixante dix ans après je peu dire que non, bon il y à de tout, la petite marque sans cheveux sur la tempe...et tout le reste, grands et petis bonheurs, la peine aussi parfois....Je vais essayer de vous conter tout cela ...allez, bisous à tous présents, absents, et à venir .

quand les nuages s'amoncellent

De tristes évènements vont marquer la fin des années trente.  Si chacun s'inquiète de la situation de l'Europe, si les bruits de bottes sont de plus en plus perceptibles, trois décès vont, pour longtemps, sonner le glas des bonheurs perdus.
Le treize février 1934 Marguerite Guichard meurt de tuberculose, elle vient juste d'avoir 26 ans.
En 1938, Andrée Godard, ma tante, succombe à la même maladie. Elle à peine plus de trente ans. 
Ces disparitions sont cruelles, mais celle qui m'a le plus impressionné dès mon enfance, concerne  Renée Luc, la fille unique de ma grand-tante, emportée en quelques jours à l'age de 18 ans . Ce couple, à jamais marqué par cette tragédie, s'est cloitré dans la douleur. Refusant d'assister à tous les évènements familiaux, ils mirent en viager tous leurs biens, et firent  bâtir une nouvelle maison ou la chambre de leur fille reconstituée devint un véritable musée


En haut à gauche Renée Luc et Andrée Godard à Gala au milieu Andrée
à droite Marguerite Guichard en bas Renée Luc

Ces photos, ont tapissé  les murs de mon enfance, présentes dans toutes les maisons, parfois dans chaque pièce, elles m'ont peut-être appris  à vivre inconsciemment avec le passé. Ce jour du 28 octobre 1939 j'arrivais dans un monde où les morts étaient bien présents.  

Precisions

L'armoire est toujours là, restaurée avant mon mariage elle nous a suivie à  Gala puis revint rue St Marc, partit pour l'hôtel et enfin vint ici au Moulin.... ou ira-t-elle ensuite ?
Grand-père et grand-mère, avaient quitté le boulevard et habitaient  rue St Marc, où est Philippe maintenant, mais la maison était bien différente. On en reparlera au chapitre des trois maisons de mon enfance, comme Cadet Roussel, trois maisons ont comptées à cette époque. En relisant, je vois que je fais une erreur, dans les maisons j'ai oublié Gala donc les trois étaient quatre ...c'est une histoire à la Dumas.

On a parlé de Guillaume Guichard, c'était le fils d'Antoine Guichard charron et de Marie Lescoup quant à Marie Gadounet son épouse, elle était fille d'Etienne Gadounet agriculteur et de Marie Monestet.

Catherine Nouaille mère de grand-mère était la fille d'Etienne Nouaille ex chef cantonier devenu aubergiste à Issigeac et de Madeleine Bonnefon. Elle avait pour frères Leonard-Théophile agent voyer qui résidait à Périgueux 13 rue du jardin public, Jean-Némorin employé des ponts et chaussées demeurant à Verteillac et pour soeurs Melles Constance Nouaille tailleuse de robes à Issigeac qui resta célibataire, Anne-Lucie épouse de Julien Chambon limonadier et chef cantonnier à Issigeac, enfin Estelle-Marie, dite Louise, épouse de Victor Pastor, vérificateur des tabacs . La lecture de l'acte de donation et partage de la famille Nouaille en date du 12 mai 1889 montre que la famille était aisée et bien pourvue en terres et maisons à Issigeac !!

La tante Constance était très proche de grand-mère qui travailla dans son atelier avant son mariage, elle figure dans le contrat signé avant la cérémonie, dans lequel elle la nome sa légataire universelle.
Les Chambon eurent au moins  un fils qui fit carrière dans la marine, je l'ai rencontré plusieurs fois,  la dernière à notre retour de voyage de noces. Il habitait à Toulon au coeur de la vielle ville près du port. Sa femme, plus jeune que lui, très expansive, pour ne pas en dire plus, ne l'appelait que par son nom de famille... de ce fait je ne me souviens pas de son prénom !!!
Quant à l'oncle Pastor pièce rapportée mais au combien étonnante nous en reparlerons !!!

26 octobre 2009

Le pot à tabac

Grand-père Lala avait une habitude considérée maintenant comme un défaut ; c'était un grand fumeur, mais attention pas du tabac blond, pas des gauloises, il fumait les cigarettes qu'il roulait dans le papier rizla . Je le revois, assis l'été dans un fauteuil vert à  haut dossier ajouré, sous le hangar de la rue Saint Marc, ses mains, déformées par le travail et les rhumatismes, retrouvaient l'agilité nécessaire et l'opération se terminait par un petit coup de langue derrière les moustaches pour sceller le petit cylindre blanc en fin de compte peu rempli de tabac.
Durant la guerre l'approvisionnement était difficile, aussi avait-il planté quelques pieds dans la petite cours et il faisait sécher les feuilles dans le chais contigu à la cuisine. La pièce était fraiche et sombre le sol en terre battue, dans le coin à gauche de l'entrée ,un petit "barricou" servait à préparer la piquette, spécialité de grand-mère, boisson fermentée à base de feuilles de frêne et de houblon que l'on soutirait avec précaution dans de grandes bouteilles de limonade à bouchon de porcelaine... hum la piquette ça pétillait, ça moussait, ça désaltérait. On la buvait surtout l'été, au déjeuner pris sous le hangar à l'ombre du grand rideaux de toile dont l'orange, depuis longtemps délavé, s'harmonisait maintenant avec le crépis du mur et le bois brut de l'auvent. Dans le chais, il y avait aussi, dans le coin le plus frais, sous une étagère et caché sous un rideaux de toile cirée, les bouteilles du Trésor. Le trésor c'était le lieu dit d'une vigne située près d'Issigeac, héritage de grand-mère, elle avait été vendue mais les dernières récoltes dormaient dans ce coin sombre et tout un cérémonial entourait l'arrivée sur la table de fête de la dernière bouteille du Trésor, bouteille poussiéreuse et sans étiquette mais renfermant un délicieux nectar. C'était  des adieux à la façon des artistes qui se  renouvelaient au fil des ans et puis un jour, mon grand-père revint du chais en disant  après celle-là c'est fini.... on avait bu tout le trésor. Dans ce petit chais, il y avait aussi une grande armoire de boiserie  en cerisier venant aussi d'Issigeac, et sur une des étagère ce pot si curieux affublé d'une vieille assiette  en guise de couvercle ou grand-père conservait son tabac.


Grand-père Guichard dit Lala

 Depuis plusieurs jours je cherche comment présenter Gustave Guichard et je ne sais pas, mais est-ce que la photo ne parle pas d'elle même ? cet homme de 80 ans n'est il pas droit dans ses bottes. Et le regard ? si l'on disait d'Alfred quel personnage, de Gustave, sans exclamations, on parlait d'un homme bien. Sa vie fut consacré à sa famille et à son travail. La seule histoire entendue racontée par ma grand-mère montre bien son caractère ; souffrant de rhumatismes il avait voulu qu'elle lui frictionne le dos avec des orties et comme on ne discutait pas, elle s'exécuta . La réaction à ce traitement de cheval fut si violente qu'elle jura de ne jamais recommencer .
 
Il avait 77 ans à ma naissance, il avait connu le second Empire et me parlait de choses incroyables, il avait vu un attelage traverser la Dordogne gelée au cours de l'hiver 1879/1880.  A son service militaire il été le seul de son régiment a savoir faire du vélocipède cette machine étrange avec une grande roue de 1,50 de diamètre et une petite de 30 cms à l'arrière.  Comment imaginer cela quand on a dix ans ! Il ne travaillait plus,  cependant durant la guerre il a, une dernière fois, ferré le vieux cheval baptisé "Cocomousse" seul moyen de locomotion entre l'hôtel et la maison de Gala après la réquisition des voitures.
 Tous les dimanches, il venait me chercher à l'hôtel pour aller à la messe, celle de 10 heures qui était chantée par les orphelines de Saint Joseph. Nous traversions la place,main dans la main, le rythme lent de sa marche  calqué sur mes pas, puis c'était le chant des orgues et des choeurs, je lui dois certainement mes premiers émois musicaux.
A la fin de son activité, il vendait des attelages complets, il fabriquait la voiture et fournissait également le cheval . Dommage, je n'ai aucun document . Par la suite la forge fut louée à un garagiste Mr Labrousse, maintenant c'est le restaurant La petite taverne qui occupe les lieux....
Parlant de la guerre, il disait, j'en ai vu trois et je n'en ai fait aucune. En effet il n'avait que 8 ans à la guerre de 1870 et  déjà 52 à celle de 14. La lueur qui passait dans son regard était un signe   de soulagement . Nul doute qu'il aurait fait son devoir mais l'idée de tuer devait lui être insupportable.

25 octobre 2009

Oublier Hector ?

Qui est Hector ? si vous avez du courage vous pouvez peut-être aller au bout de cette supplique qui remonte au 18eme siècle


Le jardin ce beau soir d'automne




La lettre

La grande énigme de la famille Guichard c'est la lettre, celle reçue par mon grand-père ou par son père, je ne sais plus et qu'il a refusée : elle était insuffisamment affranchie. Il ne voulu pas payer les taxes. La lettre venait d'Amérique... un oncle ou grand oncle y était parti pour faire fortune.... qu'y avait-il dans cette lettre? On l'évoquait lors des réunions familiale, qu'était devenu ce parent, il y avait dans tout cela un peu du mythe de "l'oncle d'Amérique"..... auquel le bon sens de mon grand-père mettait un terme en affirmant que : "s'il avait été milliardaire, il aurait eu de quoi timbrer la lettre".... mais le doute subsistait.
C'est la photo de guillaume Guichard mon arrière grand-père époux de Mathilde Gadounet  Bergeracoise née en novembre 1835. Ils eurent cinq enfants Marie mariée à Ulysse François Giraudel, Jules-Gustave mon grand-père, Madeleine qui resta célibataire, Etienne-Augustin également vieux garçon qui travailla avec son frère l'un comme forgeron l'autre comme charron. Enfin Anne Guichard qui épousa un voyageur de commerce Elie Roquecave .
La famille Guichard habitait boulevard Montaigne à deux pas de la place de l'ormière. C'est la que décède Guillaume le 24 avril 1913. Les deux frères Gustave et Augustin, c'étaient leurs prénoms usuels, travaillèrent avec leur père puis lui succédèrent. La forge était au rez de chaussé de l'immeuble, à côté de l'école des Frères qui devint Jules Ferry. Au fond de l'atelier on pouvait voir le mur des anciens fossés de la ville.