20 octobre 2010

Premiers souvenirs




















Qui est cet enfant ? quel âge a-t-il ? je sais que c'est moi, bien sur, mais je me regarde comme si je regardais un inconnu, impression bizarre, déroutante, je ne suis plus toi, tu n'es pas encore moi. Alors à qui souris tu ? que penses tu ? Je n'aurai jamais les réponses.
J'ai l'air heureux, je l'étais sans doute, et pourtant la guerre est là, elle ne me prive pas, j'ai bonne mine, cependant, c'est à cet endroit précis que je vais la ressentir de façon indélébile.   Une explosion, sabotage à la poudrerie de Bergerac, raid aérien je ne sais plus, souffle les portes derrière moi, les vitres volent en éclats, j'éprouve une peur panique, je crie, je pleure, je cours, c'est tout, le flash a fait son oeuvre ce souvenir s'imprime à tout jamais. Il a pour compagnie le hurlement de la sirène la nuit, la course vers l'abri  dans le jardin, mes pleurs lorsque j'oublie mon ours en peluche, la vue de mon père partant le chercher, l'oppression d'être sous terre, le silence, le noir, l'angoisse omniprésente.
Quel était mon quotidien ? seuls les moments exceptionnels submergent, comme cette après-midi ou mon grand-père Guichard m'amena sur  les manèges, tout d'un coup la sirène retentit, nous rentrâmes aussi vite que ses rhumatismes et mes petites jambes le permirent...je revois les fumées noires, j'entends le bruit sourd des explosions, je sens ses doigts noueux  tenant ma main. Il y a la présence verte de blindés dans le jardin, il y a la fête organisé par les allemands dans ce même jardin : au grand dam de ma grand-mère ils avaient déménagé le piano du salon, accroché des guirlandes de lanternes en papier...la nuit a été bruyante, un vague souvenir de voix gutturales... Les moments joyeux je les ai oubliés, seules les photos me les rappellent comme ces promenades en voiture à cheval avec mon père et mon grand-père.             
Dans ce monde en miniature, une bonne cinquantaine de personnes se côtoyant, parfois se cachant les uns des autres, j'étais le seul enfant. Situation à la fois privilégiée mais qui me fait ressentir à posteriori un sentiment de solitude; j'étais l'enfant en blanc dans l'univers des dames en noir.







  

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