2 avril 2013

Un peu d'amour et d'amitié.

Il y a des coincidences qui parfois peuvent surprendre et vous interpeler : pourquoi le cours d'histoire de l'art auquel nous assistons tous les mois à Bordeaux était consacré,  en cette semaine de mars dédiée à l'information sur la santé mentale, au peintre  Edouard Munch ?
J'ai découvert la peinture de Munch en 2003 lors d'un voyage à Vienne, c'était la réouverture de l'Albertina qui présentait une rétrospective du peintre norvégien, dix ans plus tard le souvenir en est aussi vivace aussi précis, aussi dérangeant. je me revois quittant l'exposition comme saisi de vertige, incapable d'écouter les explications de notre guide, comme mis K.O. par ces regards qui n'en sont pas, par ces visages sans vie.


Un tableau m'a particulièrement touché, le plus célèbre, LE CRI voila ce que Munch nous dit :  J'étais en train de marcher le long de la route avec deux amis - le soleil se couchait - soudain le ciel devint rouge sang – j'ai fait une pause, me sentant épuisé, et me suis appuyé contre la grille - il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et de la ville - mes amis ont continué à marcher, et je suis resté là tremblant d'anxiété - et j'ai entendu un cri infini déchirer la Nature. 


Je ne peux  regarder  ce tableau sans ressentir ce sentiment de profonde anxiété mêlé de compassion car  pour moi il est l'image de la souffrance du malade psychique. C'est quoi me direz vous un malade psychique, le simple d'esprit souvent moqué dans les vieux films ? l'idiot  du village ? non celui la  est né "comme ça ",  c'est  le malade mental. 
L'autre il était comme vous et moi, souvent garçon,parfois fille, enfant heureux, enfant joueur, il faisait votre bonheur il pouvait tout espérer car il était brillant, brillant mais sensible, trop ? sans doute, mais on l'aimait tant ainsi qu'on pardonnait ses fantaisies. Il croquait la vie comme une sucrerie, en douce, sans en avoir l'air , toujours sans vous déplaire. Il débutera de belles études, il sera architecte, un autre musicien ou journaliste... c'est un artiste un fantaisiste... puis un jour horrible tout s'écroule, un tsunami, une explosion, il est là devant vous pareil à cet homme du tableau, il se tient ainsi la tête, il a mal, on le persécute, il entend des voix qui l'obsèdent, que faire, on consulte d'urgence, on est perdu à demi noyé devant cet état inconnu, cet adolescent étranger qui est votre enfant, on courbe le dos à l'annonce de l'hospitalisation. Il faut bien puisqu'elle est indiquée  indispensable et puisqu'on n'est plus au X1Xe siècle elle ne sera pas définitive, irrémédiable, scandée d'électrochocs. Il en sortira avec un traitement, on se dit que bientôt tout ira mieux. tout cela est un mauvais rêve n'est-ce-pas Inconscient, on garde l'espoir.
Et lui ? lui il entre dans cette nouvelle famille, celle des malades qui ne veulent pas l'admettre,  qui souvent refusent les traitements pourtant indispensables malgré des effets secondaires qu'ils supportent mal. Il  fait  parti dorénavant des" pas comme les autres" il est dans un autre monde sans pour autant avoir quitté le notre, vie double serpentant comme le rouge et le bleu du tableau, du réel à l'imaginaire. 
Et pourtant son intelligence est intacte il arrive parfois à finir ses études à exercer un métier, regarder l'oeuvre splendide de Camille Claudel, il peut même avoir le prix Nobel ... on en fera un très beau film "Un homme d'exception". Mais il aura quitté la belle avenue de la vie pour des sentiers caillouteux où il trébuche, il avancera non plus le long de ce pont aux rambardes rectilignes, sécurisantes mais dans un monde hostile peuplé des fantômes de son imagination. Seule la souffrance sera sa compagne car il est seul, ses amis sont partis, la societé le rejette, il ne connait plus que celle des psy et s'il a de la chance (quel mot étrange ici) celle des aides sociales. Et il poursuit son chemin solitaire un peu comme l'aveugle des tableaux anciens tendant la main implorant qu'on l'aime.
Et vous les parents ? oh pour vous il y aura dorénavant l'avant et l'après, vous apprenez ce que veulent dire les mots révolte, désespoir, puis résignation, et acceptation, vous vous inscrirez à des associations où l'on voudra vous enseigner le mot distanciation mais vous aurez du mal à le retenir...Il faudra écoper, ressouder pour éviter la dislocation du noyau familial, puis les années passerons,  si par chance Lui a fait le deuil de la vie qu'il espérait vous en ferez de même, si par contre il persiste à refuser alors comme lui vous souffrirez encore.  
Ils sont près de deux pour cent de la population mondiale, la maladie se déclenche à l'adolescence,  on sait maintenant que la consommation de cannabis est un facteur aggravant. Elle peut guérir dans un cas sur cinq, pour les autres ce sera la prise de médicaments à vie avec la possibilité d'une vie plus "normale" et une réinsertion qui restera précaire dans la vie sociale.
Une association des parents de malades l'UNAFAM aide les familles notamment par des groupes de paroles. Une semaine par an la SIMS semaine d'information sur la santé mentale organise des colloques suivis principalement par le milieux médical et para médical. Un COLLECTIF s'est créé pour que l'année 2014 soit celle de la santé mentale. 
Vous qui passez ici par amitié curiosité ou hasard s'il vous plait signez la pétition, il suffit d'un clic, il servira à fabriquer ce petit grain de sable   qui bloquera le mécanisme de l'indifférence car n'oubliez pas, pour eux le sourire de l'ironie est plus douloureux qu'un coup de poing et  la main tendue sera la plus douce des caresses.... ils ont tant besoin d'un peu d'amour et d'amitié. 






10 commentaires:

  1. Courage à l'entourage qui fait ce qu'il peut en temps de crise. Une charge sur les épaules douloureuses des parents que nul ne peut soulager si ce n'est de prendre part avec des mots sincères de sympathie et des pensées amicales.
    Martine de sclos

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  2. ton message est particulièrement émouvant et chaleureux et c'est normal que nous qui avons été épargnés nous participions à ce soutien.J'ai signé la pétition .

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  3. Difficile de commenter tant ton message est dense, comme l'est une vie de souffrance, de peurs, d'incertitudes et d'angoisse. Émotion partagée avec toi, avec ta Dame, avec celui qui reste votre tourment mais que vous êtes deux à aimer. Pétition signée bien sûr, c'est tellement difficile qu'il faut être aidé, soutenu et que la société prenne une partie de ce poids énorme à sa charge.

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  4. Oui Robert, une grande douleur que ces vies-là, et pour tout l'entourage quelle grande tristesse, je connais par des amis interposés les drames de ces maladies soignées à vie, sans guérir... Robert comme vous dites juste avec les mots : révolte, désespoir, puis résignation, et acceptation...

    Je suis de tout coeur avec vous, c'est si peu je sais.

    Amicalement.

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  5. merci pour vos messages et votre participation à cette pétition.... tout reste à faire vis à vis de ces malades comparé à ce qui est fait, et j'en suis heureux pour eux, pour les enfants autistes.

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  6. Cher Robert, c'est très beau ce que tu as écrit, et en même très dense et très vivace, que ton billet en devient extrêmement difficile à commenter. Ce n'est peut-être pas ce que tu attends, mais sache que je partage ton émotion. J'espère que tu trouveras l'équilibre, le juste milieu entre "souffrance" et "distanciation". Amicalement.

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  7. L'essentiel c'est le partage.
    Bon séjour à Rome.

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  8. Nous en avons souvent parlé toi et moi
    Tu sais ce que je pense et tu sais aussi qu'il y a des personnes qui même impuissantes sont là pour écouter
    Hier je me rendais à Maillol voir l'expo sur Murano et tout à coup cette odeur bien connue pour avoir suivi un séminaire sur le sujet
    Je cherche c'est plus fort que moi ,un jeune commis du Lutetia à dix heures du matin comme moi j'aurais mangé un croissant
    La banalité du geste
    Je t'embrasse

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  9. L'impuissance des autres face au malade est très dure à vivre mais le soutien et l'écoute est un baume précieux pour l'entourage.
    Merci Françoise.

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