23 janvier 2012

Saint Senderens

Ou le miracle de la place de la Madeleine.
Pourquoi le luxe devient-il  de plus en plus rare ? Je me souviens des premiers voyages à Paris de mon enfance, le trajet durait deux fois plus de temps mais il y avait le wagon restaurant, un moment magique. Comme pour une messe il était précédé de la clochette du maître d'hôtel parcourant le corridor des wagons annonçant le premier ou le deuxième service. Nous allions toujours au deuxième : on est moins bousculé disait mon père. Le wagon restaurant était en lui même un endroit féerique, lumières tamisées, bois marquetés, cuivres polis. La table conforme aux canons de la grande restauration, nappe blanche parfaitement amidonnée, verres en cristal, couverts en argenterie, serviette savamment pliée, avait ce côté magique de l'inattendu dans cet espace en mouvement, quant aux cuisines, entr'aperçues en gagnant sa place, par leur étroitesse et l'affairement qui y régnait, elles rejoignaient l'iconographie des récits de Jules Verne. Tout cela sentait le capitaine Nemo. Le chef devait faire des prodiges pour servir dans de telles conditions un repas digne des tables étoilées tout comme les  serveurs qui, chaloupant le long des tables,  s'acquittaient à merveille d'un service à l'anglaise  frôlant l'acrobatique.  Deux anciens cuisiniers de l'hôtel travaillaient  en tant que chef sur la ligne et mon père ne manquait pas de les saluer avant de passer à table s'ils étaient en cuisines, la qualité de la prestation était de ce fait doublement assurée ! Bien souvent ils venaient, le service terminé, à notre table et la conversation durait jusqu'à l'arrivée en gare d'Austerlitz .


Aujourd'hui une voiture -bar au décor de cantine vous propose, dans un équilibre des plus instable, quiches au micro-ondes ou sandwichs caoutchouteux, plus de café filtre servi dans une tasse en porcelaine mais boisson instantanée soluble dans un gobelet en carton, Nemo ayant pris sa retraite nous prenons la précaution d'emporter quelques sandwichs maison pour le voyage nous réservant la perspective d'un bon diner parisien..
Alain Senderens fait partie de ces chefs emblématiques de la génération des Bocuses et Guérard qui ont réveillé l'art culinaire français dans les années soixante. Il travaille à la Tour d'Argent puis fonde l'Archestrate en 1978 où il obtient trois étoiles michelin, faisant de ce restaurant un des plus réputés du monde. En 1985 il reprend Lucas Carton place de la Madeleine alors sur le déclin et redonne à cet établissement tout son lustre d'antan. 
Une longue histoire, créé par Robert Lucas en 1732 sous le nom de Taverne Anglaise, décoré à la fin du XIXe siècle par Majorelle, il est repris en 1925 par Francis Carton et devient un des hauts lieux de la gastronomie française. Outre la salle principale qui conserve toujours son décor art nouveau, il dispose d'une série de salons privés à l'entresol qui furent un temps le siège du Club des Cents,  véritable  franc-maçonnerie de la fourchette fondée en 1912.  
Depuis peu Alain Senderens a transformé les salons de l'étage   en bar  sous le vocable LE PASSAGE il vous accueille tous les jours avec aux diners une formule "carte blanche"... notre découverte du dimanche soir.
L'entrée est située dans le passage couvert un peu glauque qui jouxte le restaurant,  on sonne à la porte vitrée, on grimpe un escalier de bois pour déboucher sur une suite de petites salles au décor années 70 aux tons dorés. Tables blanches sans nappage, couverts inox, serviette papier. Le maître d'hôtel vient s'enquérir de vos allergies et de vos goûts et la fête commence.
En guise d'amuse bouche une bisque de homard et son blanc manger de lieu.
Puis ce sera un plat étonnant : des pâtes de coquille Saint-Jacques, une texture étonnante, une sauce superbe.
On poursuit avec un effiloché d'aiguillettes de pigeon servi avec un jus très concentré et des mini gnocchis. 
Vient alors la pièce maitresse une tranche de cochon de lait farcie accompagnée  d' un sublimissime risotto au basilic d'une onctuosité incommensurable.
Un dessert plus classique galette oblige clôturait ce festin de Balthazar. 
Et le miracle dans tout cela? il est dans le prix de cette prestation facturée, tenez vous bien, la somme de trente six euros par personne,   incroyable dans un tel quartier dans une telle ville et pour une telle qualité.

Un peu tardivement j'ai pensé que le téléphone pouvait immortaliser le risotto.




12 commentaires:

  1. Tout à fait Saint-Senderens, incroyable.

    Belle soirée

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  2. J'aperçois, en cliquant un article sur le bienheureux Angélico, mais d'abord je commente, je commente !! super ton article, un billet de pro, forcément !! passionnant et en plus se terminant par "l'adresse" à laquelle il faut se précipiter !! je note sur mon carnet noir !!! et, un prêté pour un rendu (Angelico) je t'en promets des nouvelles, lors de notre futur passage à Paris (pas programmé encore, mais forcément, cela va bien finir par s'imposer !!

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  3. Pour moi ce sera le dimanche 5 février.
    La résa est faite
    A suivre

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  4. oooooohhh Robert I AGREEE its so sad to see these wonderful instutions disappear you were a very fortunate boy . and your find at the Madelaine mmmmmmmm must explore on my next vist to paris in May !! great photograph I can almost taste it !
    I like you new colour of Turquoise
    Fay x

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  5. Françoise ma Dame est très inquiète : pourvu que le chef ne soit pas en vacances !!! je crois que le dimanche soir est une bonne idée un soir calme on est mieux bichonné.

    Michelaise nous pensions programmer une semaine en fin d'année en louant un studio et j'ai appris hier aux infos que le maire de Paris veut interdire la location meublée à la semaine dans la capitale bravo pour l'accueil des touristes, c'est couper la branche sur laquelle on est assis !

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  6. Robert les vacances parisiennes débutent le 18 février.
    Oui ce sera juste un peu la galère pour se rendre à Paris un dimanche soir mais bon....
    Ah il continue à se distinguer notre bon maire à ce que je vois
    Si il ne veut plus à la semaine on continuera de louer à la nuitée comme je le fais

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  7. Ah tu crois ça ? que nenni plus de locations en meublé en dessous d'une durée d'un an... il est fou ce parisien !

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  8. Mais on devient un pays sans liberté!
    Bon je note l'adresse on ne sait jamais...mais nous sommes plutôt cuisine asiatique !

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  9. Pour ma part je ne suis pas touchée car c'est ma résidence principale et donc j'ai le droit de continuer à louer comme je le fais.

    Ici tu en sauras davantage

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  10. Merci pour le lien, ici c'est le contraire il y a pléthore de maisons à louer ou à vendre et bien peu de clients !

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  11. Autant j'ai dégusté le récit de votre passage dans ce train de grand luxe alors que tout jeune avec votre père, ce souvenir resta imprégné en vous, autant j'ai aimé votre appréciation des mets que vous avez dégustés, faisant fi de votre constat pour un décorum bien dépouillé par rapport au passé. Eh oui, on a plus les linges de table d'autrefois! Ici au Québec, c'est pareil. C'est l'époque qui le veut sans doute!

    Cependant vous avez reconnu que le bonheur est dans l'assiète plutôt que l'assiète elle-même. Votre description des mets, en commençant par celle des entrées jusqu'aux plata de résistance, m'a fait saliver comme ça s'peut pas!

    Oui, il y a encore des festins de rois en ce bas monde et des dégustateurs comme vous qui savent les apprécier.

    Ah la cuisine française! Vous me l'avez fait goûter ce soir! :)

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  12. Coucou Robert, nous avons testé le bar du Passage hier soir avec les enfants !! un vrai festival comme tu le décris... merci pour ce partage qui nous a permis de profiter d'une adresse vraiment géniale
    Quant à cette histoire de location, je pense que c'est une fausse info, on loue tout ce qu'on veut à paris
    nous venons toujours à la même adresse car nous avons trouvé la perle rare que je suis prête à t'indiquer si tu veux
    c'est un bonheur de "rentrer" à la maison le soir !!!

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